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Au-delà de la science-fiction : un concept physique de multivers avec réalités multiples

Les franchises cinématographiques inspirées de comics nous ont, ces dernières années, habitués au concept de multivers. On peut le voir, par exemple, dans “Doctor Strange in the Multiverse of Madness”, où des personnages passent à travers des sortes de portails vers des univers parallèles. Dans ces univers parallèles, l’histoire est différente, et ils rencontrent des versions alternatives d’eux-mêmes ayant pris d’autres décisions.

Les "multivers" cinématographiques tendent à mélanger deux notions distinctes de la physique.
Image d’artiste d’un micro trou de ver entre deux portions d’univers par transformation de la représentation graphique d’une fonction définissant la géométrie du trou de ver. La représentation est plane, car le modèle simplifié porte sur des feuillets à deux dimensions spatiales d’univers. Crédit photo : Image générée par une IA.
 

Sur le plan de la physique, ces “multivers” cinématographiques tendent à mélanger deux notions distinctes. Bien que n’étant qu’un concept hypothétique, le multivers, en tant qu’ensemble d’univers parallèles éventuellement reliés par des portails (des “trous de ver” dans le langage des physiciens, des objets de la famille des trous noirs), est une solution valide des équations de la relativité générale.

Cependant, le contenu d’un univers parallèle au nôtre en serait totalement indépendant, et il ne s’y trouverait aucune réplique de nous-mêmes, ni même de la Terre.

Ce que l’on observe dans les films de science-fiction se rapproche davantage de la notion de “mondes multiples”, où différentes réalités parallèles coexistent dans le même espace-temps et partagent le même contenu matériel.

Cette notion a été proposée dans les années 50 par Hugh Everett comme une façon alternative d’interpréter la physique quantique (théorie qui décrit le monde microscopique, des particules fondamentales aux petites molécules).

Son interprétation de la célèbre parabole du chat de Schrödinger, où un chat a été placé dans une boîte fermée avec une chance sur deux d’être tué par un dispositif radioactif, consiste à considérer l’absence d’information sur l’état du chat caché dans la boîte (une particularité de la physique quantique) comme l’existence de deux mondes (deux réalités), l’une dans laquelle le chat est mort, l’autre dans laquelle il est en vie, qui sont superposées tant que la boîte est fermée.

À l’ouverture de la boîte, nous découvrons dans quel monde nous nous trouvons. L’interprétation d’Everett n’est pas sans poser quelques paradoxes : des phénomènes physiques appelés interférences quantiques nécessitent que tant que les mondes (réalités) ne sont pas distinguables par une observation, elles s’influencent l’une et l’autre (tant que la boîte est fermée, les deux mondes “échangent de l’information”).

Cependant, une fois que les réalités sont séparées (ouverture de la boîte), il est impossible de passer de l’une à l’autre (contrairement à ce que l’on voit dans les films de SF).

Depuis de nombreuses années, un chercheur en physique mathématique de l’Institut UTINAM travaille sur la reformulation de la physique quantique en termes de géométrie dans des espaces abstraits, car contrairement à la relativité générale qui est naturellement formulée par la géométrie de l’espace-temps, la physique quantique relève d’un autre contexte mathématique.

Récemment, ce chercheur a reconsidéré l’interprétation d’Everett dans le cadre de la formulation géométrique de la physique quantique (D. Viennot, Geometric phases, Everett’s many-worlds interpretation of quantum mechanics, and wormholes, arXiv:2302.13651), en levant le paradoxe de l’influence mutuelle entre deux mondes superposés.

Les espaces géométriques abstraits représentant les mondes sont bel et bien reliés par des structures géométriques (des “singularités”) par lesquelles des informations peuvent être échangées quand les mondes ne sont pas encore séparés par une observation.

Si au lieu d’espaces abstraits, on avait des espace-temps de la relativité, ces singularités seraient… des trous de ver ! Appelons-les des “trous de ver formels” pour les distinguer des trous de ver spatio-temporels de la relativité générale.

Afin de confirmer cette relation, ce chercheur a développé un modèle simplifié de micro-trous de ver quantiques (des trous de ver spatio-temporels qui pourraient se former à l’échelle de Planck, 10^-33 cm) dans le cadre de la théorie des cordes (théorie hypothétique pour décrire la physique à l’échelle de Planck, au voisinage des trous noirs et aux premiers instants de l’Univers après le Big-Bang).

À cette échelle, les trous de ver spatio-temporels s’identifient bien à des trous de ver formels.

Finalement, l’erreur des scénaristes de SF ayant mélangé les notions de multivers et de mondes multiples n’en est finalement pas une, du moins à l’échelle de Planck (un mécanisme appelé “décohérence” empêche l’émergence de tels trous de ver à notre échelle).

Contact : David Viennot