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Des résidus papetiers pour fabriquer des briques en terre cuite : l’institut UTINAM et la société Wienerberger coopèrent pour l’économie circulaire

Utiliser des résidus papetiers pour fabriquer des briques de terre cuite est un bel exemple d’économie circulaire. Cela permet de valoriser des déchets issus de l’industrie papetière, et contribue à améliorer le process de fabrication des briques en facilitant l’étape de séchage et en créant la porosité nécessaire dans le produit fini.
Néanmoins, ce procédé ne s’effectue pas sans difficulté. Selon la nature et l’état de dégradation des résidus papetiers des effets indésirables peuvent apparaitre comme la fissuration et même la casse des briques. C’est pour répondre à cette problématique que l’Institut UTINAM et la société Wienerberger ont établi une collaboration de recherche.

Matériau d’avenir, les briques de terre cuite sont résistantes et isolantes
Obtenus par la cuisson de terres argileuses, les matériaux en terre cuite (tuiles, briques…) sont l’un des plus anciens matériaux de construction. Utilisés depuis l’Antiquité, ces matériaux se sont adaptés à l’évolution des constructions, des techniques utilisées et à leurs impératifs. Leur procédé de fabrication a énormément évolué au cours des deux derniers siècles pour répondre aux demandes et exigences actuelles du bâtiment et de la construction. Les briques de terre cuite offrent une bonne qualité d’isolation thermique qui répond aux exigences environnementales actuelles.
Cette propriété isolante résulte de la porosité du matériau qui est générée par l’incorporation d’additifs « porosant » qui se décomposent au cours de la cuisson à haute température de la brique.

Valoriser les résidus papetiers dans la manufacture de briques, un enjeu écologique
En 2019, la production de papier en Europe était de 90 millions de tonnes et générait environ 11 millions de tonnes de déchets pour lesquels les papetiers sont tenus de trouver des voies de valorisation. Les déchets produits se décomposent en différents types de résidus qui sont principalement des boues d’épuration. Ces boues sont constituées pour une moitié de fibres de bois et pour l’autre moitié de matière minérale, principalement calcaire.JPEG - 1.2 MoStocks de boues de papeterie sur site de production de briques (crédit : N. Courtois, Institut UTINAM)

Les valorisations les plus fréquentes de ces boues sont l’incinération et l’épandage, puisque ces résidus présentent à la fois des propriétés combustibles et des propriétés fertilisantes.
Les boues peuvent aussi jouer le rôle d’agent porosant dans une brique puisqu’au cours du traitement thermique, la combustion de la partie organique va créer des pores dans le matériau.
Les industries papetières et les briqueteries ont décidé de travailler ensemble pour valoriser une partie de ces déchets dans un cadre d’économie circulaire. L’incorporation des boues permet aussi un apport énergétique non négligeable au cours de la cuisson puisque leur propriété combustible permet d’abaisser la consommation en gaz des fours industriels.

Les acides gras volatils sont-ils responsables des fissures ?
Les durées de stockage des boues, variables entre leur production et leur utilisation, entrainent des phénomènes de dégradation. Lorsque les briqueteries utilisent des boues présentant un état de dégradation avancé, on note une augmentation du taux de rebut en raison de la présence de fissures après le séchage. L’aspect des briques change également après cuisson, elles blanchissent. Ce changement d’aspect n’est pas un problème en soi mais la présence de fissures et la casse sont un enjeu économique important pour l’entreprise Wienerberger.JPEG - 1.5 MoExemple d’une boue d’épuration de papeterie après séchage (crédit : N. Courtois, Institut UTINAM)

C’est pour répondre à ces problématiques industrielles qu’une collaboration a été établie entre l’institut UTINAM et l’entreprise Wienerberger. L’objectif était de comprendre quels phénomènes conduisent à l’apparition des défauts et quelle est leur origine.
Les recherches se sont orientées vers la dégradabilité des boues et l’identification des composés de dégradation. La dégradation anaérobie des fibres de bois entraine la formation d’acides gras volatils qui aboutit à l’apparition des défauts.
C’est la diffusion de ces acides gras volatils vers la surface, au cours du séchage, qui est responsable du blanchiment des briques après cuisson.
Les acides gras volatils, n’étant pas concentrés de manière uniforme au sein des briques, le séchage ne se fait pas à la même vitesse dans les différentes parties de la brique. Ce phénomène engendre les contraintes mécaniques qui sont responsables de l’apparition des fissures.

Des solutions qui permettent de diminuer les incidents de fabrication
L’importance des stocks de boues de papeterie à l’échelle industrielle ne permet pas d’agir directement sur les conditions de stockage de ces boues pour bloquer leur dégradation et limiter la formation des acides gras volatils.JPEG - 558.5 koFissuration et blanchiment d’une brique (crédit : N. Courtois, Institut UTINAM)

L’étude faite par l’institut UTINAM a proposé plusieurs pistes pour répondre à cette question.
La première consiste à brasser les stocks pour les oxygéner afin de limiter la dégradation anaérobie responsable de la production des acides gras volatils.
Mais la matière organique étant également dégradable en conditions aérobies, il n’est pas exclu que ce mode de dégradation produise des composés qui pourraient poser problème lors de la production des briques.
Une deuxième solution est de gérer l’utilisation des stocks de boues selon leur taux d’acides gras volatils à l’arrivée en briqueterie et en fonction de leur dégradabilité au cours du temps. En effet, l’étude a montré que différents indicateurs permettaient d’évaluer la vitesse de dégradation des boues. Le contrôle du taux initial des acides gras volatils et des indicateurs de dégradabilité permet de déterminer si un stock de boues est utilisable seul, et jusqu’à quelle échéance, ou s‘il est nécessaire de le « diluer » avec un autre stock qui satisfait aux critères.
Ces deux solutions, émanant du travail de recherche d’une doctorante durant trois ans, ont été prises en considération par la société Wienerberger, ce qui leur a permis de diminuer considérablement les incidents de fabrication.
Cette coopération a donné lieu à un article scientifique, publié dans une revue internationale par l’institut UTINAM.


Contacts  :
-  Isabelle Pochard, Institut UTINAM, courriel : isabelle.pochard chez utinam.cnrs.fr