Du rutherfordium à l’oganesson, les transactinides transuraniens

 
Dans la famille des transuraniens (éléments chimiques dont le numéro atomique est supérieur à celui de l’uranium), on qualifie de “transactinide” tout élément chimique dont le numéro atomique est supérieur à celui du lawrencium (n° 103), le dernier des actinides.
Les transactinides également appelés éléments superlourds n’existent pas à l’état naturel. Tous sont des éléments synthétiques radioactifs qui doivent être produits en laboratoire pour être observés. Aucun d’entre eux n’a jamais pu être isolé en quantité macroscopique, et des infrastructures de grande ampleur sont souvent nécessaires pour avoir une chance de les détecter.
 
Encadré rouge : Transuraniens de la série des transactinides
Encadré rouge : Transuraniens de la série des transactinides – Crédits : Wikipédia/ Scaler,Michka B — Travail personnel CC BY-SA 3.0

L’Institut unifié de recherche nucléaire (JINR) à Dubna, en Russie, est à l’origine de la synthèse des éléments 104 et 105. L’élément 104 fut synthétisé en 1964 pour la première fois et l’élément 105 en 1967. Les scientifiques de l’université de Berkeley en Californie ont tenté la confirmation des synthèses soviétiques, mais en vain. Ils les synthétisèrent par la suite avec d’autres méthodes. Un désaccord s’installa donc entre Russie et Etats-Unis qui voulaient tous les deux s’attribuer ces découvertes et ainsi choisir le nom des éléments. Pour le n°104, les soviétiques demandaient à ce qu’il soit nommé dubnium (Db) et les américains de leur côté proposaient le nom de rutherfordium (Rf), en l’honneur d’Ernest Rutherford. Pour le n°105, les américains proposèrent le nom de hahnium (symbole Ha) en l’honneur du scientifique allemand Otto Hahn. En 1997, l’UICPA (Union internationale de chimie pure et appliquée) trouva un compromis :

 
Le nom rutherfordium (Rf, 104) fut adopté pour l’élément 104 en hommage à Ernest Rutherford, physicien et chimiste néo-zélandais et britannique (1871 -1937), il a découvert les rayonnements alpha et bêta.
 

L’élément 105 qui fut nommé dubnium (Db, 105) d’après la ville de Doubna, en Russie. Il fut synthétisé pour la première fois en 1967 par l’Institut unifié de recherches nucléaires (JINR), par l’équipe de Georgi Nikolaievitch Flerow, à Doubna


Le seaborgium, élément 106, a été découvert presque simultanément par deux laboratoires. En juin 1974, par les chercheurs russes et en septembre de la même année par l’université de Berkeley. Étant donné que le travail des Américains fut confirmé en premier lieu, ceux-ci suggérèrent comme nom seaborgium en l’honneur du chimiste américain Glenn T. Seaborg. Ce nom suscita une grande controverse car Seaborg était encore vivant. Un comité international décida en 1992 que les laboratoires de Berkeley et de Doubna devaient partager le crédit de la découverte de l’élément 106 et en 1997 le nom seaborgium (Sg, 106) fut reconnu internationalement.


Le Centre de recherche sur les ions lourds (GSI, pour Gesellschaft für Schwerionenforschung mbH) à Darmstadt, en Hesse (Allemagne), a synthétisé les éléments de 107 à 112.

Le bohrium (Bh, 107) en 1981, mot formé à partir du nom du physicien danois Niels Bohr, qui a compté dans l’élucidation de la structure de l’atome.


Le Hassium (Hs, 108) en 1984, ainsi nommé d’après la forme latine Hassia du Land de Hesse, où est implanté le GSI, de façon similaire à l’appellation du californium.


Le meitnerium (Mt, 109) en 1982, nommé d’après Lise Meitner, physicienne allemande qui fut l’une des premières impliquée dans l’étude de la fission nucléaire.


Le darmstadtium (Ds, 110) en 1994, d’après la ville de Darmstadt, en Allemagne, où est implanté le GSI, de façon similaire à l’appellation du berkélium.


Le roentgenium (Rg, 111) en 1994, nommé en hommage à Wilhelm Roentgen, qui découvrit les rayons X.


Le copernicium (Cn, 112) en 1996, nommé en hommage à Nicolas Copernic, qui révolutionna les conceptions astronomiques de son temps.


Les six derniers transactinides ont été découverts à l’époque post-soviétique :

Le nihonium (Nh, 113) fut synthétisé pour la première fois en 2003, par l’institut russe JINR en collaboration avec le laboratoire américain LNLL (laboratoire national de Lawrence Livermore). En 2004, une équipe de chercheurs japonais déclare avoir réussi à synthétiser cet élément. En 2016, l’UICPA décidera de nommer l’élément 113 nihonium en hommage au Japon.


Le flérovium (Fl, 114) fut découvert en 1998 par le laboratoire Flerov Laboratory of Nuclear Reactions (FLNR) de l’institut russe. L’UICPA a validé son identification en 2011 et lui a donné son nom définitif en 2012 en référence au FLNR.


Le moscovium (Mc, 115) fut synthétisé en 2004, par l’institut russe JINR en collaboration avec le LNLL. L’UICPA a validé son identification en 2015, et lui a donné son nom définitif en 2016 en référence à l’oblast de Moscou, dans lequel il a été observé pour la première fois.


Le livermorium, (Lv, 116) a été synthétisé pour la première fois en 2000 par l’institut russe JINR. L’UICPA a validé son identification en 2011 et lui a donné son nom définitif en 2012 en référence au Laboratoire national de Lawrence Livermore situé à Livermore, en Californie.


Le tennesse (Ts, 117) a été synthétisé pour la première fois en 2010 par l’institut russe JINR en collaboration avec le GSI. L’UICPA a confirmé son identification en 2015 et lui a donné en 2016 son nom anglais définitif en référence au Tennessee, état américain où se trouve le laboratoire national d’Oak Ridge d’où provient la cible de berkélium ayant permis la synthèse de l’élément 117.


L’oganesson (Og, 118) provient du nom attribué en 2016 par l’UICPA en hommage au Russe Iouri Oganessian, responsable de l’équipe de l’institut russe qui a découvert cet atome en 2002.